Brèves, Textes divers

La boîte à souvenirs

J’ai pris ces objets que tu m’avais donnés.

Ce foulard de laine rayé qui traînait sur le bureau depuis quelques jours, et ce carnet de papier artisanal recouvert d’un cuir rougeâtre, orné de gravures, qu’un mince cordon entourait, un nœud sur le dessus en guise de fermoir. Tu me l’avais offert le jour de notre premier rendez-vous. J’avais écrit dedans, j’en ai arraché les pages. C’est un livre blanc où tout était encore à écrire, où le peu qui avait été griffonné à l’intérieur a été retiré à la peau qui le contenait.

J’ai rangé aussi dans la boîte cette tranche de bois que tu m’avais donnée parce qu’elle avait la forme d’un cœur. En son centre une petite fissure apparaissait, elle allait se fendre éventuellement en son nœud, avec le temps, m’avais-tu spécifié, à moins que je ne me dépêche de la vernir pour empêcher la fatalité de faire son œuvre. Mais je n’en avais rien fait encore, anticipant qu’elle puisse contenir en elle-même notre destin.

J’ai déposé aussi en la boîte une clé usb que tu m’avais remise, pleine de chansons, de toutes celles que tu me fredonnais de temps à autre avec le sourire en préparant le souper, parfois avec ta guitare au salon, en d’autres moments sous la douche entre les quelques baisers que je te volais, à toi mon magnifique chanteur nu, profitant de la pause entre un couplet et le refrain tandis que l’eau coulait sur mon dos.

Ces objets, je les ai tous déposés en une même boîte, celle de mes souvenirs de toi.

Et sans rien ajouter d’autre que ceux-ci, je te l’ai retournée par la poste.

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Petite douceur

Je déambule dans les linéaires de la petite épicerie, panier accroché au bras.

En cette journée grise je cherche quelque chose, un je-ne-sais-quoi qui me fera l’effet d’une petite douceur.

D’instinct, avant de passer à la caisse, je me dirige vers l’armoire à confiseries. Tablettes de chocolat noir, réglisse naturelle, bonbons de miel, carrés de sucre d’érable, puis un coup de cœur, une série de jolies boîtes colorées de petits fruits confits : abricots, cerises, prunes, clémentines et… voilà mes paupières qui tombent une seconde lorsque me reviennent en mémoire tes doux baisers au goût de gingembre. 

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Les p’tites vues

Lui, il n’en sait rien.

Il fait ce qu’il a à faire.

Moi non plus je n’en sais rien encore; je prépare le souper. Je fais revenir patiemment dans la poêle quelques courgettes, des oignons, des morceaux de tomates fraîches que je saupoudre d’herbes de Provence. Lorsqu’ils sont bien dorés, je les mets de côté en les faisant tomber dans un petit bol avec ma cuillère de bois. Le parfum est doux et embaume la pièce.

Je m’approche du comptoir pour aller quérir la viande que j’y avais laissé.

Et c’est alors que je l’aperçois, par la porte restée ouverte.

Je m’arrête, étonnée par cet étrange spectacle que je n’avais jamais remarqué encore; sa silhouette se meut, floue, mise en lumière de l’autre côté de l’étroite paroi givrée de sa fenêtre de douche.

Je sens un léger sourire naître sur mon visage.

Je recule d’un pas, embarrassée par ma découverte, puis la curiosité me ramène; je distingue la couleur de sa peau et ses formes de manière assez nette: tête, épaules, bras, torse qui m’offrent une chorégraphie de mouvements qui me gardent captive pendant un moment.

Il ne sait pas que me voilà fascinée par l’écran qu’est devenue sa fenêtre.

Mais peu importe puisque, sur la surface blanche, il n’est pour moi que ta doublure.

Les souvenirs de toi ressurgissent et lui volent la vedette. 

 

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