Ô combien tu as été malaimée
Dans tes haillons de fange
Et ta traîne poisseuse
Il t’a tourné le dos
L’infâme
Il a creusé des rides profondes
Dans ton visage
De Madeleine honteuse
Qu’il a lui-même souillée
Princesse sauvage, dépossédée
Abandonnée dans ta turpitude
Tu es restée là, éplorée
Soumise à la tyrannie
De l’Homme infidèle
Toi, l’amazone urbaine
Isolée entre les grandes artères agitées
Tu as cuvé longtemps ta déveine
L’haleine exhalant les cigarettes
Entre les bouteilles, ici et là, à la dérive
L’âme vagabonde
La prunelle glauque
Le cœur esseulé
Tu as vécu la déchéance
Fagotée de détritus
Et ceinturée de bitume
Tu as vieilli bien avant le temps
Toi qui étais si tranquille et silencieuse
Jamais en rien capricieuse
Tu étais la belle qui dort
Puis, des bras t’ont embrassée
Ont défait ton corsage bétonné
Et fait renaître les papillons en ton ventre
Te revoilà chantante
Les hanches qui ondulent
La paupière qui oscille
Radieuse
De nouveau frémissante
Impétueuse
Toi, la belle endimanchée
Dans ta robe bruissante
De toutes couleurs, fleurie
Découvrant tes rives verdoyantes
Sous les caresses du vent
Ta peau frissonne
Tu gonfles tes poumons verts
Arbores tes côtes d’acier
Cambres les reins
Et réintègres le lit de tes amours
Jusque dans les recoins humides et ombrageux
De tes refuges amoureux
Tu renais enfin !
Comme une femme
Dans les bras de son jeune amant
Qui revit un deuxième printemps
De 2010 à 2014 – Texte sélectionné par La promenade des écrivains dans le cadre de l’appel de textes des auteurs de la relève pour le parcours intitulé « Un dimanche à la rivière Saint-Charles ». L’activité avait eu lieu dans le cadre du programme Première Ovation en arts littéraires en collaboration avec l’Institut canadien de Québec.